Mes premiers pas en Amérique centrale
Je suis arrivée au Costa Rica le 10 mars 2008. Premier arrêt à San
José, capitale de ce petit pays ô combien surprenant. Rapidement c'est
la semaine sainte, événement sacré dans les pays hispaniques. Tous les stores
sont descendus, les rideaux tirés, les villes désertées au profit des côtes... Je
suis le mouvement et embarque pour l'île Venado. Je suis chanceuse, j'ai
rencontré un Tico (Costaricain) d'une île, il m'y invite.
La isla Venado est une des rares îles habitées du pays. Beaucoup n'ont ni eau
et électricité - volonté des gouvernements successifs afin de laisser place à
la nature -. Le port d'embarquement est plus que précaire, c'est une
petite lagune dans laquelle viennent s'échouer les barques ; quand la mer est
trop basse, il faut remonter les pantalons et enlever les chaussures pour
cheminer un peu dans la boue, hum. Seuls quelques privilégiés accèdent à Venado
; sans liaison régulière de ferry, sans connaissance aucune, sans réservation
d'une chambre, il est impossible d'y accoster.
Après trois jours de tranquillité sur cette île de 1 000 habitants, je repars vers
le continent. La Penca, Puntareñas, Quepos, le chemin est long jusqu'à Puerto
Jimenez. Je dois traverser les 3/4 de la côte Pacifique. Il me faut deux jours
pour y arriver, deux jours de transports en commun : des bus surchargés non
climatisés - interdiction gouvernementale afin d'éviter le gaspillage de
carburant -, des routes en pierre ou au revêtement abîmé, des arrêts
intempestifs pour desservir tous les villages et villes sous une chaleur
étouffante. Je transpire de tous mes pores, de fines gouttes coulent doucement
sur mon corps, l’eau que je bois se transforme en fontaine…
Après maintes interrogations - de ma part
et des Ticos que je rencontre sur mon chemin - sur la possibilité d'effectuer les quelques 400 kms qui relie Puntarenas de
Puerto Jimenez dans la péninsule d’Osa en 48 heures, j’arrive enfin ma
destination. Il fait nuit noire, l’obscurité est totale due à une panne de
courant, les passagers se dispersent rapidement, je reste seule, mon ami
Mauricio ne m’attends pas, il ne réponds pas à mes appels, je n’ai pas son
adresse, que suis-je venue faire dans cette galère ?! Deux heures
d’anxiété après et le retour de la lumière, Mauricio arrive… Ouf ! Mon
séjour à Osa peut commencer.
Comment connaître l’âme d’un
pays ? S’introduire chez les locaux comme si l’on faisait partie de leur
famille. C’est le cadeau que m’offre Mauricio… Il nous faut plus d’une heure en
4x4, puis à pied pour rejoindre la maison de Don Blas Mendoza à la Balsa, petit
village au cœur des montagnes. Ce n’est pas loin de Puerto Jimenez mais la
route est à peine en état. Mao et ses amis réalisent un documentaire sur la
famille Mendoza, ils sont invités pour déjeuner ce vendredi saint ; je les
accompagne. L’accueil est chaleureux, Don nous attend à la porte du jardin, doña
Margarita surgit de sa cuisine enroulée dans son tablier et me serre dans ses
bras comme elle le ferait pour l’un des ses 12 enfants. La journée est magique,
nous sommes intégrés dans la famille qui pour la seule fois de l’année, lors de
cette semaine sainte, est réunie en totalité. Les enfants sont maintenant
grands et éparpillés dans le pays. Je repas séduite, enchantée de cette journée
et promet de revenir.
Le parc Corcovado est le lieu
incontournable de la péninsule. Longtemps ignoré par le tourisme et par le Tico
lui-même car trop éloigné, trop mal desservi ; il est maintenant considéré
comme le plus beau parc du pays. Il représente à lui seul 3 % de la
biodiversité mondiale (4,5 % pour le pays dans sa totalité, 6 % avec le
territoire maritime plus vaste que le Costa Rica lui-même). Je pars donc
chargée de mon sac à dos à la découverte de ce parc.
Il faut se lever tôt pour le
mériter : à 6 heures du matin, je suis dans le bus. Deux heures plus tard,
nous arrivons à Carate. Il me faut 45 minutes de marche sur la plage sous un
soleil déjà chaud pour atteindre l’une des entrées du parc, La Leona. Je pénètre bientôt sous la voûte forestière et un concert de cris et
bruissements divers éclate, doublé par le murmure de la mer que le chemin pédestre
longe. Les morphos, ces majestueux papillons bleu roi, m’ouvre la route comme
en signe de bienvenue. Il faut être attentif car à Corcovado les animaux ne se
laissent pas voir si facilement contrairement à d’autres parcs nationaux où le
promeneur est monnaie courante et l’animal habitué. Je m’arrête dans le sentier
pour observer des aras – perroquets – aux plumes de couleurs chatoyantes en
pleine bagarre avec d’autres compagnons, des singes à face blanche et des
singes araignées qui passent de branche en branche, des toucans lançant leur
chant à tout vent, des crabes bleus qui se jettent dans leur trous à notre
approche sous un craquement de feuilles mortes, et enfin des bernard-lhermitte qui
se réfugient dans leur coquille en espérant devenir du même coup invisible ! Et
encore, et encore d’autres bêtes que je ne saurais nommer à ma grande honte.
Mauricio travaille alors que je me ballade ; la visite aurait été plus
instructive avec ce naturaliste passionné à mes côtés. Mais il est une chose
que j’apprécie, c’est ma communion sans commentaire avec la nature. Et un moment de sérénité.