Etre femme
Avant d’en arriver à cette question, je me suis tout
simplement demandée : « qui suis-je » ? Je suis
biologiquement autre qu'un homme, mais, à part cela, quels sont nos
différences ? Pendant longtemps je suis allée à contre-courant : je
cherchais ma place comme femme et, principalement, comme être humain. Les
modèles que l’on me proposait me convenaient peu. J’étais femme mais je voulais
être aussi libre qu’un homme et je sentais alors que la machine s’enrayait. Il
fallait être plus forte, plus intelligente, toujours « plus » que
l’autre genre. Pourquoi ?
Récemment encore lors de mon travail sur des bateaux
de luxe, j’ai constaté cette vérité. Les femmes capitaines sont amusantes mais
peu crédibles dans un milieu maritime – je parle du français - encore très
machiste. Qu’une femme embarque comme commandant ou mécanicienne, c’est amusant
mais on lui prédit une carrière courte – car elle voudra évidemment enfanter un
jour et devra alors rester à la maison - et, avec une grande tape dans le dos, on lui souhaite « bon courage ». Elle n’a pas la force requise, mais de quelle force
parle-t-on, celle qui consiste à appuyer sur un bouton pour démarrer les
moteurs, à appeler une entreprise pour venir réparer une avarie, à boire autant
de verres d’alcool qu’un vieux loup de mer ?...
A une autre époque de ma vie alors que j’étais –
semble t’il – « casée » pour mes proches, on me posait le
traditionnel « c’est pour quand le mariage ? » comme si c’était
ma voie se résumait par une union. Mais un jour, j’ai tout
largué : copain, maison, travail. Incompréhension pour beaucoup, pour
d’autres – souvent les mêmes - je traversais la « crise de la
trentaine » (je n’avais pourtant que 29 ans). Classement, idées
préconçues, besoin de tout ranger dans des cases pour se rassurer…
En ce qui me concerne, je n’ai jamais réussi à
entrer dans un case ; j’y étouffe. Quel ennui à l’ANPE lors de chaque
inscription… « Quelle est votre profession ? » « Et bien, à
vrai dire, je suis polyvalente » « Ah… - embarras de la part de l’agent - mais c’est que je n’ai qu’une
case dans mon formulaire ». Et chaque fois, je devais choisir, selon
l’humeur de jour, un code de travail - encore plus limitatif - et réduire mes
chances - déjà minces - de trouver un emploi.
Alors qu’est ce qu’être femme ? Après des
années de recherche, je dirais que c’est être une personne qui choisit sa vie et
s’en donne les moyens, aussi difficile que cela puisse être parfois. Je me
souviens d’une conversation avec une amie à ce propos. Elle m’admirait
non pas pour vivre comme je le désirais, mais pour faire face à des
justifications redondantes sur mon style de vie…
Mon choix de vivre à l’étranger n’est pas innocent ; je m’y sens plus à l’aise que dans mon propre pays. On peut juger mon style de vie étrange, voire choquant – surtout dans ces pays où le machisme est ouvertement déclaré – cependant on suppute que, chez moi, les choses sont différentes et on me laisse tranquille... Par contre, en France, malgré ce que l’on veut nous faire croire, les femmes sont loin d’être aussi libres. Les Français sont encore machistes. Il suffit de voir l’image de la femme véhiculée par les médias – la publicité en premier lieu -, mais aussi dans le travail où à poste équivalent la femme est toujours moins bien payée. Et ce ne sont que deux exemples entre autres. Le cortège de préjugés et d’idées préconçues est encore pesant.
Etre femme, est-ce se marier ? Oui si cela n’implique pas la soumission d’un être envers l’autre ou la conformité dans des schémas imposés par la société dans laquelle on vit. Je veux croire au mythe des retrouvailles des deux moitiés séparés par les dieux de l’Olympe. Je veux croire à la rencontre de deux êtres qui s’aiment pour ce que chacune est et non pas ce qu’elle a.
Etre femme, est-ce avoir des enfants ? Oui, si
l’envie est là, non, si c’est parce qu’une femme est programmée dès son enfance
dans cet ultime objectif – qui a décrété cette bêtise ? Certaines sont
stériles, ne sont-elles pour autant femmes ? - ou parce que il paraît que « c’est la plus belle chose au
monde ». Si celle-ci n’est pas désirée profondément, cela est-il si
merveilleux ? Ce n’est pas non plus pour croire que les enfant sont une
continuité de soi, ils sont au contraire un rendu à la vie d’un cadeau qu’elle
nous a accordé. Comme l’a si bien écrit Khalil Gibran : « Vos enfants
ne sont pas vos enfants. Ils sont les fils et les filles de l’appel de la vie à
elle-même. Ils viennent à travers vous mais non de vous. Et, bien qu’ils soient
avec vous, ils ne vous appartiennent pas ».
Etre femme ne serait-il pas aussi enseigner à ses
enfants, fille et garçon, qu’ils sont la vie, que celle-ci ne porte aucun
préjugés, idées préconçues ni tabous envers les êtres, que tous sont porteurs
des mêmes qualités humaines, l’amour, la tendresse, la force, la
faiblesse ? Le changement de mentalités sur les genres pourrait venir des
femmes elles-mêmes… Louis Aragon a écrit que « la femme est l’avenir de
l’homme ? » Moi, j’écris « homme » avec un H majuscule pour
parler d’Humanité… Les femmes, si elles le souhaitent vraiment, peuvent être
l’avenir du genre humain.