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zaouanne
20 mai 2008

Tu sabes...

chronique_2

Du bus qui arrive en ville, j’aperçois les hordes de motoconchos* qui envahissent l’espace de la fumée de leur engin. C’est une pollution visuelle, olfactive mais également sonore. Je suis bien de retour à Puerto Plata, capitale de la côte nord.

C’est un « tu sabes » - « tu sais » - qui me replonge au cœur du pays. « Tu sabes como van las cosas » - “tu sais comment vont les choses » – avec un s à peine murmuré. C’est comme un tourbillon et je replonge dans le rythme nonchalant de la République Dominicaine. On ne dit que les débuts de phrase, pourquoi en dire plus ? La paresse prend déjà ses marques.

J’arrive en fin d’après-midi, déjà le soleil commence à se coucher. La ville se teinte de couleurs orangées, la chaleur se fait moins intense. Tel un chant de cigales dans l’été provencal, des notes de bachata envahissent peu à peu l’atmosphère. Les travailleurs rejoignent leur domicile et se délassent au son de la musique et une bière Presidente à la main. Au loin, quelques pétarades des motoconchos se font entendre. Moteur à deux temps, elles marquent le rythme de la danse qui naît. Les voisins jouent au domino, sport national dans le pays. Ici, rien ne se fait dans le silence, les jetons claquent sur la table et les commentaires des joueurs flottent dans l’air.

La République Dominicaine respire la vie. Les hommes détaillent les femmes de la tête aux pieds. Leurs compliments ne sont pas avares. C’est probablement très macho, mais aussi très agréable. Beaucoup d’étrangères se font prendre au piége de ces mots devenus si rares dans les pays occidentalisés.

Ici la vie ne se joue pas à moitié, on la vit intensément au jour le jour. On travaille pour quelques pesos, on boit, on danse, on fait l’amour, on jouit du jour présent car on ne sait pas toujours de quoi sera fait demain. Ici la vie prend son temps. Il n’y a pas d’urgence ; ce qui ne se fait pas aujourd’hui se fera demain et il n’y a aucune objection à ce fait. Les caissières sont d’une atonie qui ferait s’arracher les cheveux au moindre gérant de supermarchés Leclerc. Ici, il est impossible de chronométrer le rendement passage d’article/vitesse, ou si ce n’est pour déterminer le record de lenteur !

Ce pays, malgré toutes ses imperfections, respire l’insouciance. On frime avec son nouveau portable dont on n’a pas les moyens de se payer le forfait, qu’importe on fera semblant. On passe régulièrement son ticket de loterie al Banco, d’un o à un a**, on espère remplir prochainement son compte bancaire. On élit le président qui semble pouvoir nous offrir une meilleure vie, on y croit pas trop, mais au cas où… On reste optimiste car la vie sans espoir n’a pas de sens.

La nuit se fait obscure, encore quelques heures et les bruits s’éteindront peu à peu si l’on vit dans un quartier calme, sinon la vie continuera de battre son plein au rythme de quelques notes de mérengué. Je me laisse bercer par ces sons devenus familiers et ferme doucement les yeux.

Je suis de retour en République Dominicaine, ça ne fait aucun doute.

*moto-taxis – ** Un banco = la banque / Una banca = achat des tickets de loterie

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